Décision du 25 septembre 2015 portant suspension de la fabrication, du conditionnement, de la mise sur le marché, de la distribution, de l'exportation, ainsi que de l'utilisation des matières premières fabriquées par la société CARGILL FRANCE sur le site de Lannilis (Finistère) et destinées à entrer dans la composition de médicaments, de dispositifs médicaux ou de produits cosmétiques, sauf conditions particulières, et portant retrait des médicaments, des dispositifs médicaux ou des produits cosmétiques qui intègrent dans leur composition des matières premières fabriquées par la société CARGILL FRANCE sur le site de Lannilis (Finistère), sauf conditions particulières

NOR : AFSM1523057S
ELI : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decision/2015/9/25/AFSM1523057S/jo/texte
JORF n°0227 du 1 octobre 2015
Texte n° 24

Version initiale


  • Par décision du directeur général de l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en date du 25 septembre 2015 ;
    Considérant l'inspection réalisée du 21 au 24 juillet 2015 par un inspecteur de l'ANSM sur le site de Lannilis (Finistère) de la société CARGILL FRANCE ;
    Considérant que la société CARGILL FRANCE fabrique sur le site de Lannilis (Finistère) et distribue des matières premières, principalement de l'acide alginique et ses sels, destinées à être utilisées par des établissements fabriquant des produits mentionnés à l'article L. 5311-1 du code de la santé publique, notamment des médicaments, des produits cosmétiques et des dispositifs médicaux ;
    Considérant que selon les dispositions de l'article L. 5138-1 du CSP, les activités de fabrication, d'importation et de distribution de substances actives, y compris en vue de l'exportation, ne peuvent être exercées que dans des établissements autorisés par l'ANSM ;
    Considérant que la société CARGILL FRANCE a exercé l'activité de fabrication de la substance active dénommée acide alginique entrant dans la composition de médicaments jusqu'en décembre 2014 sur son site de Lannilis sans y avoir préalablement été autorisée par l'ANSM ;
    Considérant que selon les prescriptions de la monographie n° 2034 de la Pharmacopée européenne « Substances pour usage pharmaceutique », ces substances sont produites par des procédés conçus pour assurer une qualité reproductible ;
    Considérant que selon les dispositions de l'article L. 5138-3 du CSP, les substances actives sont fabriquées et distribuées conformément à des bonnes pratiques de fabrication en vue de garantir la qualité et la sécurité des médicaments ;
    Considérant qu'en application de l'article 8 du règlement (CE) n° 1223/2009, la fabrication des produits cosmétiques doit respecter les bonnes pratiques de fabrication en vue de garantir un niveau élevé de protection de la santé humaine et que le respect des bonnes pratiques de fabrication est présumé lorsque la fabrication des produits cosmétiques est effectuée conformément à la norme NF EN ISO 22716 relative aux bonnes pratiques de fabrication susvisée ;
    Considérant qu'en application des dispositions du chapitre 6.2 de la norme NF EN ISO 22716, il convient notamment que la qualité des matières premières réponde à des critères d'acceptation définis et appropriés pour la qualité des produits cosmétiques ;
    Considérant qu'en application des points 1 et 4 du I de l'article 1er de l'arrêté du 15 mars 2010 fixant les conditions de mise en œuvre des exigences essentielles applicables aux dispositifs médicaux susvisé, d'une part les dispositifs doivent être conçus et fabriqués de telle manière que lorsqu'ils sont utilisés conformément à leur destination et dans les conditions prévues à cette fin, leur utilisation ne compromette notamment pas l'état clinique et la sécurité des patients, d'autre part les caractéristiques et les performances des dispositifs médicaux ne doivent pas être altérées au point de compromettre l'état clinique et la sécurité des patients et, le cas échéant, d'autres personnes pendant la durée de vie des dispositifs prévue par les indications du fabricant lorsque les dispositifs sont soumis aux contraintes pouvant survenir dans les conditions normales d'utilisation ;
    Considérant que les conditions de fabrication des matières premières fabriquées sur le site de Lannilis de la société CARGILL FRANCE et entrant dans la composition de médicaments, de produits cosmétiques et de dispositifs médicaux induisent des risques de contaminations et de détériorations de ces matières premières, compte tenu :


    - de l'absence de propreté de l'environnement de fabrication et de l'état général particulièrement dégradé des équipements de fabrication de l'atelier d'extraction, notamment à partir de l'étape de précipitation de l'acide alginique ;
    - de l'absence de propreté de l'environnement de fabrication et de l'état général particulièrement dégradé des équipements de fabrication des ateliers HOSO-1 et HOSO-2 où sont effectuées notamment les étapes de malaxage, de séchage et de broyage ;
    - de la conception et de l'absence de propreté de l'atelier de mélange et de conditionnement, où sont effectuées notamment les opérations de pesée, de chargement, de mélange et de conditionnement ;


    Considérant que les opérations de fabrication sur le site de Lannilis de la société CARGILL FRANCE des matières premières entrant dans la composition de médicaments, de dispositifs médicaux ou de produits cosmétiques, ne sont pas maitrisées, compte tenu des déficiences observées dans le système de gestion de la qualité, notamment :


    - de l'insuffisance des procédures de nettoyage des équipements de fabrication et de démonstration de leur efficacité ;
    - de carences dans la traçabilité du nettoyage des équipements de fabrication et dans la vérification de la réalisation de ces opérations ;
    - de carences dans la traçabilité de la production en l'absence de constitution de dossiers de production de lots et en l'absence de vérification des enregistrements de fabrication par l'unité qualité avant la mise à disposition de ces matières premières ;
    - de l'absence de vérification de la conformité des lots de produits semi-ouvrés avant leur mélange pour la fabrication de matières premières ;
    - de l'absence de prise en compte de la date de fabrication du lot de produit semi-ouvré le plus ancien incorporé dans un mélange de produits semi-ouvrés pour l'établissement de la date de recontrôle du lot de matière première ;
    - de l'absence de données satisfaisantes relatives à l'homogénéité et à la représentativité des prélèvements des lots de matières premières fabriqués par mélange de lots de produits semi-ouvrés ;


    Considérant qu'il ressort également des constats effectués lors de l'inspection que la gestion et la mise en œuvre des lots de produits semi-ouvrés n'est pas satisfaisante, notamment pour les points suivants :


    - un lot de produit semi-ouvré fabriqué en 2009 a été utilisé en 2014 pour la fabrication d'un lot d'excipient destiné à entrer dans la composition de médicaments sans recontrôle et en l'absence de données de stabilité disponibles ;
    - un lot de produit semi-ouvré humide ayant été stocké plusieurs mois dans l'atelier et étant destiné à être déclassé a été utilisé pour la fabrication d'un lot de substance active destiné à entrer dans la composition d'un médicament ;
    - plusieurs lots de produits semi-ouvrés non conformes aux spécifications en matière de qualité microbiologique et de teneur en formaldéhyde ont été fabriqués et intégrés dans la fabrication de lots de substances actives et d'excipients destinés à entrer dans la composition de médicaments ;


    Considérant que l'inspection susvisée a également révélé pour le cas particulier de la substance active dénommée acide alginique :


    - qu'elle n'a pas été fabriquée selon un dossier maître de production et n'a pas fait l'objet d'un enregistrement dans un dossier de production de lot, et qu'en conséquence, la revue des dossiers de production de lot pour les étapes critiques du procédé n'a pas été réalisée par l'unité qualité avant la libération des lots pour distribution, ce qui n'est pas conforme aux dispositions combinées des points 2.17, 2.32-3, 6.40, 6.41, 6.50, 6.51, 6.52, 6.70, 6.71, et 6.72 des BPF des substances actives précitées ;
    - que la modification du procédé de fabrication consécutive à une panne d'équipement et consistant en l'arrêt d'une étape de filtration de la substance n'a pas fait l'objet d'une maitrise satisfaisante, notamment concernant l'évaluation de l'impact potentiel de la modification sur la qualité des lots de substances actives, et concernant l'absence d'information du fabricant de médicaments utilisant les lots concernés de substance active, ce qui n'est pas conforme aux dispositions combinées des points 2.21, 13.12, 13.13 et 13.15 des BPF des substances actives précitées ;


    Considérant qu'il ressort de l'ensemble des constats effectués que les conditions de fabrication sur le site de Lannilis de la société CARGILL FRANCE présentent des risques de mettre à disposition des matières premières contaminées ou détériorées ;
    Considérant que les matières premières fournies par le site de Lannilis de la société CARGILL FRANCE sont ainsi susceptibles de ne pas répondre aux exigences prévues pour les matières premières entrant dans la composition de médicaments, pour les matières premières entrant dans les produits cosmétiques et ne permettent pas de garantir le respect de l'exigence essentielle prévue au point 1 du I de l'article 1 de l'arrêté du 15 mars 2010 relatif aux dispositifs médicaux ;
    Considérant de surcroît qu'il a été signalé à la société CARGILL FRANCE le 10 octobre 2014, neuf réclamations de patients pour défaut de qualité d'un médicament relatif à un mauvais goût et une odeur de poisson dont une accompagnée de la notification d'un cas de pharmacovigilance relatif à une réaction de type éruption cutanée concernant un lot de substance active provenant du site de Lannilis et fabriqué par mélange de cinq lots de produits semi-ouvrés non conformes en matière de qualité microbiologique ;
    Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que l'ensemble des activités de la société CARGILL FRANCE localisée sur le site de Lannilis (Finistère) portant sur des matières premières destinées à entrer dans la composition de médicaments, de dispositifs médicaux ou de produits cosmétiques sont susceptibles de présenter un danger pour la santé humaine, et qu'il convient en conséquence de suspendre l'ensemble de ces activités ainsi que l'utilisation de ces matières premières ;
    Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 5312-1 que la suspension d'une activité relative à un produit présentant un danger ou susceptible de présenter un danger est limitée à une durée n'excédant pas un an ;
    Considérant qu'il résulte de la suspicion de danger induite par l'utilisation de ces matières premières la nécessité de procéder au retrait des lots de médicaments, dispositifs médicaux ou produits cosmétiques en comportant, sauf démonstration au cas particulier d'une maîtrise satisfaisante du risque pour la santé humaine au regard de l'utilisation du produit de santé considéré ;
    La fabrication, le conditionnement, la mise sur le marché, la distribution, l'exportation, et l'utilisation des matières premières fabriquées par la société CARGILL FRANCE sur le site de Lannilis (Finistère) et destinées à entrer dans la composition de médicaments, de dispositifs médicaux ou de produits cosmétiques sont suspendues pour une durée n'excédant pas un an à compter de la publication de la présente décision.
    Pour les médicaments dont la disponibilité doit être assurée, une dérogation à l'alinéa précédent peut être accordée par l'ANSM après soumission par les personnes responsables de leur mise sur le marché d'un rapport démontrant au cas particulier du médicament considéré une maîtrise du risque pour la santé humaine au regard de son utilisation.
    Les personnes responsables de la mise sur le marché des médicaments, des dispositifs médicaux ou des produits cosmétiques qui intègrent dans leur composition des matières premières fabriquées par la société CARGILL FRANCE sur le site de Lannilis (Finistère) sont tenues de ne pas procéder à leur distribution et de procéder au retrait des produits sur le marché dans un délai maximum de trente jours à compter de la publication de la présente décision.
    Par dérogation à l'alinéa précédent, et s'agissant de médicaments, de dispositifs médicaux ou de produits cosmétiques en cours de fabrication, en attente de distribution ou sur le marché, les personnes responsables peuvent sous leur responsabilité, procéder à leur distribution, ou ne pas procéder au retrait des produits sur le marché, sur la base d'un rapport démontrant au cas particulier du produit de santé considéré une maîtrise du risque pour la santé humaine au regard de son utilisation.

Extrait du Journal officiel électronique authentifié PDF - 214,8 Ko
Retourner en haut de la page